Dernière mise à jour: 18 juin 2020
A la différence des autres puissances, l’URSS n’a pas renoncé aux sous-marins que l’on appelait à l’époque « classiques » et qui sont en fait à propulsion Diesel-électrique. Les raisons de ce choix sont multiples.
Ces sous-marins sont d’une technologie plus simple. Leur coût de possession est donc moins élevé, et leur mise en œuvre ne nécessite qu’un petit noyau de spécialistes, le reste de l’équipage pouvant être constitué d’appelés ou de réservistes en cas de conflit.
Construits en grand nombre (215 unités!), ils auraient constitué une menace saturante pour tout adversaire de l’Union, malgré leur rusticité [1].
Cette "rusticité" permettait également d’en déployer plusieurs à proximité de points chauds [dans tous les sens du terme, quand on évoque le mouillage dans le sud de l’île de Socotra], sans un soutien important, à l’instar des sous-marins à propulsion nucléaire.
Enfin, leur relative discrétion acoustique, comparée aux réalisations soviétiques de l’époque, les rendait mieux adaptées aux mers « fermées », comme la Baltique ou la mer Noire, ou aux zones d’action côtière.
Ces unités servent dans les quatre flottes.
Ces dernières années, la classe 677 Lada portait de grands espoirs, et la Russie voyait en elle une réussite au moins égale à celle de la classe Kilo, sous toutes ses formes. Las, ce programme est un échec patent. Les multiples difficultés de mise au point, dont celle de la propulsion, augurent mal de l’avenir, d’autant que l’industrie russe n’est pas capable, dans un avenir prévisible, de mettre au point le système de Prolongation d’Autonomie en Plongée [2] nécessaire à ce genre de sous-marin. Ce qui a contraint la flotte russe à se tourner vers la classe 06363 dont l’apport le plus significatif est celui de pouvoir lancer des missiles Kalibr-PL en plongée. Mais cette classe n’est que le dernier avatar de la classe 877 qui inaugurait, non sans retard [3], la propulsion hybride série dans la marine soviétique.
Les données concernant les entretiens des sous-marins de cette catégorie et affectés en flotte du Pacifique sont souvent difficiles à obtenir. D’où le grand nombre incertitudes les concernant. (voir paragraphes 4.5.1 et 4.5.5).
Figure 46 SSK Parc / ligne 1992 - 2035
Le parc connaît une chute spectaculaire entre 1992 et 2002. Il passe de 65 à 22 unités en dix ans, soit en gros une perte des deux tiers. Il se maintient ensuite dans un marais entre 18 et 23 unités jusqu’en 2018. Il devrait à nouveau progresser à partir de 2019 pour retomber à partir de 2024. Après 2029, il reste sur un plateau à 19 unités.
Pour l’effectif en ligne, l’écart reste important du début de la période jusqu’en 2019 où il devrait devenir nul. Par la suite, il reste relativement satisfaisant.
Figure 47 SSK Parc / âge 1992 - 2035
Au cours de cette même période, l’âge moyen reste dans une fourchette comprise entre 12 et 23 ans, maximum atteint en 2013 – 2014. Puis il amorce une lente descente, passant sous les 20 ans dès 2016. Il devrait passer sous les 15 ans en 2028.
Figure 48 SSK Âge / écart type 1992 – 2035
Figure 49 SSK Parc / Ligne 2015 - 2035
Le pal’arrivée des classes 06363 compensant peu à peu les attritions. Il va atteindre son maximum en 2022, avec la mise en service du dernier 06363 pour la flotte du Pacifique.
Les effectifs en ligne vont coïncider avec les effectifs en parc du fait de la mise en service de sous-marins neufs. L’écart se maintient ensuite au gré des entretiens planifiés, avec une ou deux unités hors ligne.
Figure 50 SSK Parc / âge 2015 - 2035
La mise en service de sous-marins neufs va entraîner une réduction de l’âge moyen qui se maintient entre 15 et 20 ans jusqu’en 2028. Ce qui s’accompagne de la disparition des derniers sous-marins de la famille des classes 877.
Les unités sont réparties par tranche d’âge de 10 ans. Cet intervalle a été retenu pour tenir compte des échéances d’entretien majeur appliquées dans le système russe.
Les diagrammes se lisent dans l’ordre des aiguilles d’une montre, les unités les plus jeunes figurant dans la partie supérieure droite. Les mêmes couleurs sont conservées pour les intervalles correspondants tout au long des diagrammes.
Les données d’écart sont en fait celles de l’écart-type[4]. Un écart large caractérise l’étalement dans le temps des mises en service. Avec pour corollaires un plus grand nombre de classes différentes, et par contre-coup une logistique plus complexe. Un écart faible caractérise des renouvellements brutaux. Ce qui expose à un mur budgétaire au moment du remplacement des unités.
Figure 51 SSK Par âge en 1992
On est là devant une flotte à peu près équilibrée en termes de tranche d’âge et d’âge moyen. L’écart type est un peu élevé. Mais la rupture la plus importante est technologique. L’arrivée des classes 877 à partir de 1984 finit par sonner le glas des propulsions hybrides parallèles. Ces nouveaux sous-marins adoptent, plus de 20 ans après leurs homologues occidentaux, le principe d’une seule ligne d’arbre entraînée en permanence par un moteur électrique, les moteurs Diesel étant eux accouplés uniquement à des génératrices. Solution hybride série qui permet une plus grande discrétion acoustique, mais aussi de se prise de plongée d’urgence (freinage de ligne d’arbre, désaccouplement des Diesel, accouplement sur les moteurs électriques et relance de la propulsion...).
Figure 52 SSK Par âge en 2020
Le parc a fondu de quasiment les deux tiers.
Les sous-marins neufs deviennent les plus nombreux. L’âge moyen progresse, tout comme l’écart type.
Les constructions neuves (moins de dix ans) sont homogènes, ce qui va rendre la logistique plus aisée. Mais elles sont en très grande majorité composées d’unités de la classe 06363. Six sont encore en construction. Tout comme quatre 677 Lada.
Malgré tout, les sous-marins de la famille 877 (toutes variantes confondues) sont majoritaires [7 entre 20 et 30 ans et 6 au-delà].
Figure 53 SSK Par âge en 2025
Le parc est stable. L’âge s’est fortement réduit, du fait de la disparition des unités de la classe 877 Paltus Kilo. L’écart-type se resserre. Le parc inclut tous les 677 Lada et tous les 06363 Varshavyanka dont la construction est planifiée à partir de 2020.
Il ne subsiste que trois sous-marins de la famille des 877.
Figure 54 SSK Par âge en 2030
Près de la moitié de la flotte est sous les 10 ans, Il ne subsiste qu’une unité de plus de 20 ans. L’âge moyen remonte un peu, mais l’écart-type se resserre quasiment à la moitié de la valeur précédente. L’effectif se contracte quelque peu.
Figure 55 SSK Par âge en 2035
Le parc reste stable à 19 unités. Il reste jeune, avec une moyenne de 16 ans et un écart de 4. Cinq sous-marins approchent des 30 ans.
Figure 56 SSK Ratio 2010 - 2035
L’écart entre parc et ligne passe de 80 à 50 % en 22 ans. Il reprend de la vigueur à partir de 2014, franchit les 80 % en 2018. Les 100 % sont atteints en 2020, puis fluctuent ensuite entre ce maximum et 80 % au gré des arrêts techniques entre 2021 et 2029. Il atteint un plancher entre 2032 et 2034, pour les mêmes causes.
Figure 57 SSK Poids de l'histoire
NB: le schéma comporte une erreur: il convient de lire "Total" au lieu de "Russes"
Mis à la part les SSTN (voir ci-après) qui constituent un cas particulier, c’est la catégorie qui connaît le renouvellement d’unités le plus rapide [5].
Il est clair que les espoirs placés dans la classe 677 Lada ont été déçus. La mise au point d’un système de Prolongateur d’Autonomie en Plongée (PAP) n’est toujours pas effective.
Curieusement, c’est la flotte du Nord qui est la moins bien lotie dans ce domaine, avec des unités vieillissantes. Seule l’accélération de la production des classes Lada pourrait enrayer le phénomène, ces sous-marins étant bien nécessaires pour couvrir les mouvements des SNLE. L’affectation annoncée du deuxième en flotte du Pacifique, et qui serait basé au Kamchatka, montre bien que l’on est face à un manque capacitaire critique.
Les tirs de Kalibr-PL depuis la Méditerranée orientale ont montré que les classes 06363 pouvaient se montrer efficaces dans des missions contre la terre. Mais l’absence de PAP ne peut cacher que leur origine remonte à la classe 877 Kilo.[6].
[7].
Nom |
ASA |
SR |
Échéance retenue |
Flotte |
B-808 |
Déc. 1988 |
En attente depuis 2016 |
2021 |
Nord |
B-394 |
Déc 1988 |
- 2019 |
2022 |
Pacifique |
Nom |
ASA |
SR |
Échéance retenue |
Flotte |
B-800 |
Sept. 1989 |
2002 - 2013 |
2023 |
Nord |
Nom |
ASA |
SR |
Échéance retenue |
Flotte |
B-871 |
Déc. 1990 |
2014 - 2020 |
2023 |
Mer Noire |
Nom |
ASA |
SR |
Échéance retenue |
Flotte |
B-806 |
Sept. 1986 |
2012 - 2017 |
2023 |
Baltique |
Figure 58 SSK Le B-471 (classe 877M)
Nom |
ASA |
SR |
Échéance retenue |
Flotte |
B-459 |
Sept. 1990 |
2008 - 2015 |
2024 |
Nord |
B-471 |
Déc. 1990 |
? |
2022 |
Nord |
B-177 |
Déc. 1991 |
? |
2024 |
Nord |
B-464 |
Janv. 1990 |
? |
2020 |
Pacifique |
B-494 |
Déc. 1990 |
2017 |
2021 |
Pacifique |
B-187 |
Déc. 1991 |
2013 – 2017 |
2027 |
Pacifique |
B-190 |
Déc. 1992 |
2015 - 2016 |
2026 |
Pacifique |
B-345 |
Janv. 1994 |
2013 -2015 |
2025 |
Pacifique |
Figure 59 SSK Le B-262 Stariy Oskol
Nom |
ASA |
SR* |
Échéance retenue |
Flotte |
B-261 |
Janv. 2014 |
2024 - 2025 |
2044 |
Mer Noire |
B-237 |
Déc. 2014 |
2025 - 2026 |
2045 |
Mer Noire |
B-262 |
Juin 2015 |
2025 - 2026 |
2045 |
Mer Noire |
B-265 |
Nov. 2015 |
2026 - 2027 |
2045 |
Mer Noire |
B-268 |
Oct. 2016 |
2026 - 2027 |
2046 |
Mer Noire |
B-271 |
Nov. 2016 |
2027 - 2028 |
2046 |
Mer Noire |
P. Kamchatskiy |
Nov. 2019 |
2030 - 2031 |
2049 |
Pacifique |
Volkhov |
2020* |
2031 - 2032 |
2050 |
Pacifique |
Magadan |
2021* |
2031 - 2033 |
2051 |
Pacifique |
Ufa |
2021* |
2032 - 2033 |
2051 |
Pacifique |
Mozhaysk |
2022* |
2033 - 2034 |
2052 |
Pacifique |
N° 12 |
2022* |
2033 - 2034 |
2052 |
Pacifique |
Balt 1 |
2024* |
2034 - 2035 |
|
Baltique |
Balt 2 |
2024* |
2034 - 2035 |
|
Baltique |
* estimations
Figure 60 SSK Le Sankt Peterburg
Nom |
ASA |
SR |
Échéance retenue |
Flotte |
B-585 |
Avril 2010 * |
2020 - 2021 |
2040 |
Nord |
B-586 |
2020 |
2031 - 2032 |
2050 |
Pacifique ? |
B-587 |
2021 ** |
2031 - 2032 ** |
2051 |
Nord ? |
573 |
2024 ** |
2034 - 2035 |
2054 |
Nord ? |
574 |
2024 ** |
2034 - 2035 |
2054 |
Nord ? |
* exploitation « expérimentale »
** estimations
Abréviations utilisées
ASA : Admission au Service Actif
SR : Sredniy Remont
TK : Tekushiy Remont
[1] Pour l’amiral de la Flotte Sergey GORSHKOV, la quantité était déjà en soit une qualité
[2] Ce terme est employé en lieu et place d’AIP. Ce dernier acronyme signifie en fait « Air Independant Propulsion", sous toutes les formes connues (moteur Stirling, MESMA, pile à combustible…), vise en fait à apporter une réserve d’énergie supplémentaire aux batteries du sous-marin, sans que celui-ci n’ait à utiliser de génératrices Diesel, le sous-marin restant alors en plongée. Tant qu’à utiliser un acronyme anglo-saxon, il serait plus approprié d’utiliser URE (Underwater Range Extender).
[3] Par rapport aux réalisations occidentales équivalentes
[4] Environ 68 % des unités sont incluses dans un intervalle d’un écart-type de part et d’autre de la moyenne
[5] Bien que la conception des classes 06363 et les 677 ait débuté à l’époque soviétique, on a considéré ici que leur construction résulte d’études postérieures.
[6] De nombreux documents font état de la capacité des diverses variantes de la classe 877 Kilo à lancer le missile Kalibr-PL. Aucune information ouverte ne permet d’appuyer cette information. Les seules unités qui en sont capables sont celles issues de la classe 877EKM vendues à l’Inde et à l’Algérie qui disposent de cette capacité depuis leur modernisation (sous-classe 08773 pour l’Inde).
[7] Je n’ai trouvé que deux ou trois cas suspects de non-respect de cette règle depuis que les sous-marins soviétiques franchissent les détroits turcs.