Dernière mise à jour: 24 décembre 2010
Il apparaît au début des années 50 que le sous-marin va pouvoir remplir une mission stratégique d'importance, puisqu'il pourrait lancer un (ou des) missile(s) armé(s) de têtes nucléaires contre des cibles terrestres. Les vecteurs possibles sont soit balistiques soit aérodynamiques. Dans ces conditions, la marine soviétique décide d'explorer les deux voies, l'impasse sur l'une d'entre elles lui paraissant trop risquée. Pour ce faire, elle met en concurrence deux bureaux d'étude pour l'étude d'un missile aérodynamique d'une portée de 500 km, et pouvant être équipé d'une tête nucléaire RDS-4, Beriev et l'OKB-52.
Le missile mis au point par l'OKB-52 est dénommé P-5, et il va être essayé sur un sous-marin modifié en classe P613. Pour l'essai du missile P-10 de Beriev, c'est un sous-marin de la classe 611 qui est retenu, le B-64.
Suite à la décision du Conseil des Ministres de l'Union soviétique en date du 19 juillet 1955 et du cahier des charges édité par la marine le 19 août 1955, le TsKB-18 est chargé de préparer cette modification. Son programme est adopté le 30 mars 1956.
Le sous-marin modifié est doté:
- d'un missile P-10
- d'un conteneur dans lequel le missile est placé ailes repliées
- d'une rampe de lancement
- d'un système de navigation plus précis
- d'une direction de tir missile (PUS)
- de systèmes de test avant lancement et de préparation au tir
- des divers auxiliaires nécessaires (alimentations électriques ...)
Cette dotation entraîne le débarquement des torpilles de réserve, de leurs berceaux de stockage, du système d'embarquement de torpilles. Elle s'accompagne d'une réduction d'emport de carburant et d'eau douce. La modification est mise à profit pour débarquer l'artillerie et les munitions associées, opération qui concerne l'ensemble de la flotte sous-marine soviétique à l'époque. La tranche la plus affectée par ces travaux de modification est la tranche avant, les autres tranches étant peu ou pas concernées. La vitesse en surface s'établit à 16,5 nds, 14 en plongée. L'équipage de 72 personnes dispose d'une autonomie de 65 jours.
La portée escomptée du missile demande une navigation beaucoup plus précise que celle d'un simple sous-marin d'attaque. Le B-64 est ainsi équipé d'un calculateur de navigation Sila-V, le loch classique Gom-III d'origine est remplacé par un loch Doppler Burun. Enfin, il est aussi doté d'un système de navigation SILA-B incluant deux compas gyroscopiques Mayak, une centrale de cap et une centrale de verticale.
Le recalage doit s'effectuer au moyen d'un périscope de visée astrale Lira, à la place du périscope d'attaque original. Mais cet équipement n'a pas été installé pour la première phase des essais, les travaux nécessaires se révélant trop complexes. C'est pourquoi le dragueur BTShch-487, de type T-43, a été chargé de fournir les données de navigation au sous-marin pendant les essais à la mer.
Le conteneur missile est placé sur le pont, à l'arrière du massif. Le missile y est stocké sur un chariot utilisé pour toutes les manipulations, notamment la mise sur rampe qui ne peut s'effectuer qu'en surface. Il ne le quitte qu'au moment du tir. Celui-ci s'effectue vers l'avant, par dessus le massif, le missile étant tout d'abord transféré du conteneur sur la rampe. Celle-ci s'élève de 20,5° au dessus de l'horizon grâce à deux vérins hydrauliques placés sous sa partie antérieure, vérins alimentés par la centrale hydraulique du bord.
Dès la sortie du conteneur, les ailes du missile P-10 se déploient. La mise à feu s'effectue à distance.
Avant les essais, deux points retiennent l'attention. Il est en effet possible que le souffle des accélérateurs et du propulseur du missile endommage les superstructures et mécanismes de la partie arrière du sous-marin. Les purges des ballasts 9 et 10 ne sont en effet pas loin. Enfin, le bruit engendré par les propulseurs du missile risque d'interdire toute présence d'équipage dans la tranche VIII.
Les essais de tir en mer sont conduits du 23 septembre au 31 octobre 1957. Quatre lancements sont effectués, les deux premiers tirs n'étant pas concluants, les missiles s'écrasant en mer. La commission des essais n'incrimine ni la conception du missile ni le lanceur. Ces essais montrent que les dommages sur le pont sont négligeables, et le niveau de bruit dans la coque épaisse est resté raisonnable. La conception du conteneur, conçu pour résister à la pression de l'immersion opérationnelle, a lui aussi donné satisfaction.
Ces quatre tirs viennent conclure la première phase des essais. Mais la deuxième phase n'a jamais été entamée. Le missile P-5 a lui aussi réussi ses essais initiaux. Et la mise en oeuvre de ce missile est beaucoup plus simple, le missile étant directement tiré depuis son conteneur. C'est cet aspect qui sonne le glas des essais du missile P-10, dont le développement est abandonné. Le B-64 est ramené au standard de la classe 611 dès 1958.